Perspectives sur le petrole

Vers une nouvelle crise du pétrole ?

La quasi-paralysie du commerce mondial, consécutive à la pandémie du coronavirus qui incite les Etats à fermer leurs frontières et limiter au maximum les échanges commerciaux, a produit une baisse considérable du prix du baril de pétrole, dans un contexte où l’offre excède largement la demande. Pour un consommateur européen trop pressé dans ses conclusions, c’est une bonne affaire, mais attention : le contrecoup à long terme pourrait être, paradoxalement, un choc pétrolier. Voici pourquoi.

La guerre pétrolière

Il y a deux catégories de pétrole : le pétrole dit « conventionnel », celui dont l’exploitation est la moins coûteuse parce que ses nappes sont situées pas trop profondément dans le sol, et le pétrole « non-conventionnel » qui est plus cher à exploiter parce qu’il faut déployer plus d’efforts techniques pour aller le chercher. C’est en particulier le cas du pétrole de schiste dont les gisements sont difficiles d’accès, par un procédé hautement technologique de fracturation hydraulique, et aussi peu remplis, de sorte qu’un puits s’épuise plus rapidement que ceux du pétrole arabe ou russe. Aux Etats-Unis où, contrairement à la France qui, soucieuse de son environnement, a interdit l’exploitation trop polluante de son gaz de schiste, de nombreuses compagnies se sont lourdement endettées pour exploiter ce pétrole non-conventionnel, les faillites s’observeront bientôt en cascade, car pour être rentable, le cours du baril doit atteindre au moins entre 60 et 70 dollars : en ce moment, il peine à décoller au- dessus d’une ligne de 20 dollars. C’est ce qui explique le bras de fer entre la Russie, riche de pétrole conventionnel, et les Etats-Unis qui ont dépassé leur pic de production de son pétrole conventionnel et n’ont pu retrouver leur indépendance énergétique qu’en exploitant leur pétrole de schiste, non conventionnel donc et rentable à condition de le vendre à un prix élevé : la Russie espère ainsi ruiner cette concurrence en continuant de vendre son pétrole conventionnel peu cher.

Un futur incertain…

Nous verrons ce qu’il adviendra de cette guerre commerciale, sachant que les Etats-Unis ont des moyens de pression, notamment technologiques, mais ce qui est déjà prévisible, c’est que, si, dans un premier temps, le pétrole sera très bon marché, avec la reprise de l’activité économique mondiale, l’offre pétrolière non-conventionnel, dont les réserves sont en baisse constante depuis les années 2010, ne suffira plus à satisfaire la demande, de sorte que les prix exploseront, provoquant un choc pétrolier, donc une deuxième crise économique mondiale s’enchaînant à l’actuelle, jusqu’au moment où la reprise d’une exploitation pétrolière non- conventionnel sera en mesure de rééquilibrer les prix. Bref, la crise n’est pas finie, loin s’en faut, et la vocation d’une école comme la nôtre est de préparer nos élèves à l’affronter avec intelligence et savoir-faire.