C’est un phénomène récent qui a envahi le monde de l’enseignement : la possibilité offerte aux étudiants de faire écrire leurs dissertations par un logiciel appelé Chat-GPT. « Chat », comme chacun sait, c’est la conversation, « GPT » sont les initiales de l’anglais generative pre-trained transformer, un charabia signifiant un transformateur génératif pré- entraîné, soit un logiciel d’écriture préparée. Vous posez une question au logiciel, et il vous rend tout un exposé dont les éléments sont glanés sur les contenus disponibles d’internet.

En réalité, le système n’est pas encore au point, car cette intelligence artificielle opère un peu comme un mouvement brownien : une connaissance en convoque une autre qui en invite une autre encore, de sorte que des confusions sont possibles qui aboutissent à dévier un exposé qui au bout du compte répond à côté de la plaque. Mais on peut très bien imaginer que le système s’améliorera progressivement pour produire un devoir tout à fait présentable, l’avenir nous le dira.

Les problématiques posées par le Chat-GPT

Plusieurs remarques s’imposent dans tous les cas. D’abord, il est impossible d’avoir recours à ce logiciel durant un examen écrit. Ensuite, en cas de rédaction chez soi d’un mémoire que l’on rend à l’école, le jury repèrera très vite le décalage entre le niveau ordinaire de l’étudiant et la qualité de sa performance, moins pour son contenu que pour la forme extérieure : après des décennies déjà longues de naufrage de l’enseignement primaire et secondaire, il est devenu rare qu’un étudiant maîtrise l’orthographe, la syntaxe, le vocabulaire aussi bien que le GPT. Ainsi est-il facile au professeur de repérer les contrevenants, non pas en traquant les plagiats comme c’était l’habitude, mais en considérant la forme du devoir rendu.

Cela dit, certaines écoles réputées pour leur formatage intellectuel rencontrent dans le Chat-GPT un redoutable concurrent, capable de produire un discours aussi lisse que dans des formations très marquées par l’idéologie en vigueur. Cela vient de deux facteurs. Pour mettre à l’eau ce nouveau navire technologique, des formateurs humains ont préfabriqué des conversations dans lesquelles ils sont intervenus aussi bien du côté de l’utilisateur que de celui de l’assistance en intelligence artificielle ; mais en prenant soin d’obéir aux contraintes de l’idéologie dominante, pour ne pas avoir de conflits avec les groupes de pression ou, comme on la qualifie parfois, la tyrannie des minorités. Au bout du compte, les réponses ainsi générées forment l’ossature d’une base appelée Instruct-GPT : de fait, le travail du logiciel suit les consignes de l’idéologie dominante, interdisant ainsi toute réflexion innovante, transgressive, originale. Ce qui peut faire le bonheur des centres d’éducation chargés fournir des cadres à la nation peut en revanche stériliser les matières centrées sur la réflexion, comme la philosophie, la sociologie, la psychologie, l’histoire ou autres, mais aussi toutes celles qui ne demandent qu’à se renouveler ou s’améliorer, comme la publicité, le marketing, les ressources humaines, la communication.

En conclusion, il est probable que les étudiants seront de plus en plus tentés de recourir à cet outil idéal pour les paresseux, mais il est au moins aussi probable que cet outil aboutira à un formatage collectif, ce qui en principe n’est pas le but recherché des écoles attachées à former des managers. Il est probable encore que, notre formatage prenant sa mesure à l’étalon de l’idéologie occidentale, les autres grandes régions du monde, soucieuses d’indépendance, le réorienteront selon leurs propres idéologies, de sorte que l’humanité verra s’accentuer un phénomène de compartimentage déjà observable depuis quelques années, dans un contexte de plus en plus évident de passage d’un monde unipolaire à un monde multipolaire. On peut trouver ici une marque caractéristique du XXIe siècle.

Sources :

L’impact de ChatGPT dans l’entreprise

L’API de ChatGPT est enfin disponible au développeur

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