Les déserts médicaux en France

En 2023, la France compte un peu moins de 83.000 médecins généralistes, ce qui marque un recul de plus de 10% par rapport à 2010. Ce recul est plus inquiétant encore dans des départements comme l’Indre, en Berry, – 30%, ou l’Yonne, en Bourgogne, – 42%. Plus généralement, notre pays souffre d’une pénurie croissante de médecins, également observable chez les spécialistes.

D’où vient cette désertification médicale ?

La première raison, sans doute, tient au fameux numerus clausus, une expression latine qui signifie « nombre fermé » (sous-entendu : des admissions). Cette pratique n’a pas toujours existé, elle remonte aux lendemains de Mai 68. Jaloux des succès remportés par les syndicats en faveur des ouvriers – les fameux Accords de Matignon – mais surtout affolés par le nombre grandissant des étudiants qui s’assoient sur les bancs des facultés, les syndicats d’étudiants en médecine exigent alors que le Ministère limite l’accès à la deuxième année d’études, pour éviter la concurrence professionnelle.

En effet, selon la loi de l’offre et de la demande, si l’offre de médecins augmente, la demande n’augmentant pas, l’offre perdra de la valeur. Retenons bien cela : si la demande n’augmente pas… Ainsi, les futurs médecins, encore étudiants en Mai 68, gagneront très bien leur vie, puisque leur clientèle sera énorme. Voilà un effet inattendu de Mai 68 : une réforme qui dessert les intérêts des plus pauvres. Mais l’on compte alors sur l’assistance de l’Etat qui viendra abonder la dépense sociale.

La revendication n’a pas été satisfaite sous la présidence de De Gaulle, et sous celle de Pompidou, a dû attendre l’année 1972 pour être effective : 8.588 places disponibles sous le régime du numerus clausus, qui tomberont à 3.500 en 1993.

Le problème, c’est qu’à cette date, la génération du baby-boom commençait à partir à la retraite. Le vieillissement de la population gonfle la demande de soins, tandis que les médecins sont si peu nombreux que des déserts médicaux apparaissent dans certaines régions. De surcroît, le phénomène de l’immigration a fait sauter la population de 53 millions environ en 1972 à 67 millions aujourd’hui. Donc il serait erroné de croire que la désertification médicale suive la désertification rurale, puisque là il y a moins d’habitants, il y a moins besoin de médecins.

Certes, compte tenu du fait que ces départements, comme l’Yonne en Bourgogne, ou bien l’Eure et Loir dans la Beauce, se désertifient, les jeunes médecins n’ont pas très envie d’y vivre sans clientèle suffisante pour prospérer ; mais en réalité, les zones urbaines ou péri urbaines sont bien plus nombreuses à être touchées, car elles sont justement trop peuplées pour être servies par un nombre suffisant de médecins.

En fait, la France a réagi trop tard : en 2019, elle a mis fin au numerus clausus qui est devenu numerus apertus, le « nombre ouvert ». On espère que la pente sera remontée, mais compte tenu de la durée très longue des études, il faudra attendre l’an 2035 pour espérer revenir à l’équilibre, à supposer que les lobbies de médecins ne pèsent pas sur le processus.

Voilà un exemple d’un management catastrophique, dominé par la recherche de l’intérêt sectoriel aux dépens du bien commun, une notion dont a évidemment besoin la médecine.

Sources :

Quand le désert médical avance

Voici la carte de France des déserts médicaux


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