PODCAST-les-elections-d-une-france-compartimentee-2022

Bien sûr, la politique est le royaume de l’imaginaire, mais dans cette élection présidentielle, cette vérité vaut surtout pour le second tour (ou plutôt le troisième, si l’on compte dans le processus l’étape initiale des votes des maires, curieusement appelés parrainages).

Le compartimentage des élections françaises

S’agissant du premier tour, nous avons une remarquable photographie sociologique qui en dit long sur le compartimentage, non seulement idéologique, mais social et économique, de la population.

M. Macron a reçu le suffrage des villes, ou de leurs périphéries proches, connectées, actives, pleinement bénéficiaires des progrès et des services disponibles.

Mme Le Pen a attiré à elle ce que le géographe Christophe Guilluy appelle « la France périphérique », que les services publics ont désertée, où le niveau de vie est en-dessous de la moyenne : la France des Gilets jaunes qui ont fait parler d’eux en 2018.

Troisième candidat significatif, M. Mélenchon a reçu les suffrages de trois sous-catégories très différentes, sociologiquement et économiquement parlant. D’abord les jeunes, très influencés par l’idéologie professée dans le système scolaire, la culture, la fonction publique ; ensuite une masse de musulmans vivant dans la précarité, mais sans pour autant connaître le sort de la France périphérique : une banlieue connectée à des réseaux de transport et des équipements publics divers et variés. Deux premiers électorats combinés dans ce qu’il est convenu, depuis plusieurs années, d’appeler l’islamo-gauchisme, mais auxquels il convient d’ajouter enfin une gauche plus classique, rendue orpheline par le rapprochement de ses représentants avec le libéralisme économique, et séduite par le charisme indéniable de ce leader qui a réussi à combiner adroitement une longue expérience parlementaire et un retour aux fondamentaux révolutionnaires de la République.

3 catégories aux élections françaises

Ainsi voit-on apparaître nettement ces trois catégories principales théorisées naguère par Guilluy. On sait que l’une d’elles a tenté vainement de se faire entendre il y a quelques années, sans pouvoir être rejointe par les banlieues ; à peine épaulée – mais quitte à se laisser discréditer aux yeux de l’opinion – par la jeunesse bourgeoise et gauchiste, dans une agglomération parisienne gentrifiée, qui ne ressemble plus du tout à celle de 1848, 1871 ou même encore 1945. En somme, bien que comparaison ne soit pas raison, cet équilibre à trois n’est pas sans rappeler les événements de 1358, quand la bourgeoisie s’est liguée avec le pouvoir pour mater ensemble les fameuses jacqueries, dont la violence inorganisée menaçait l’une et l’autre.  Ce compartimentage est aggravé par les réseaux sociaux, qui avec le principe des « likes » enfermement leurs utilisateurs dans un univers où l’on ne rencontre plus que des gens qui vous ressemblent, qui partagent vos points de vue et vos centres d’intérêt. On en voit les effets aux Etats-Unis, dont on peut craindre qu’ils deviennent dévastateurs en raison du manque de cohésion nationale de ce pays. Il reste à savoir si la France dispose encore de ce lien que l’on pourrait qualifier de « naturel », au-dessus des querelles et des divergences liées à une époque. C’est l’avenir qui nous le dira.

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