« C’est gratuit, et ça le restera toujours », promettait la main sur le cœur Marc Zuckerberg, le fondateur de Facebook. Faut-il donc que les promesses n’engagent toujours que celui qui les reçoit, comme disait le défunt président Chirac, fin connaisseur en la matière ? Le fait est que, désormais, Facebook n’est plus tout à fait gratuit, ou plutôt, il l’est encore pour peu que l’utilisateur accepte d’être inondé de publicités, comme c’est déjà le cas pour l’utilisation de Youtube. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Le business model de Facebook
Pour le comprendre, il faut commencer par décortiquer le business model des réseaux numériques. Le béotien peut s’étonner d’avoir à sa disposition cet outil sans aucune contrepartie, sans verser un centime, contrairement au téléphone, par exemple, dont l’utilisation exige un abonnement. Le secret de ce business model réside en ceci : si le produit consommé n’est pas payant, c’est donc que le produit, c’est vous-même.
Et en effet, le réseau social – gardon en tête Facebook qui fait l’objet de ce spot – fonctionne grâce à un logiciel qui retient toutes vos recherches, les analyse, finit par vous connaître, pourrait-on dire, mieux
que vous-même, et vous vend à des annonceurs : c’est vous, le produit. C’est-à-dire que vous êtes devenu un prospect idéal pour ceux qui vont vous démarcher, qui connaissent vos appétits, vos préférences, jusque dans les recoins les plus intimes de votre personnalité, fussent-ils vos vices, pourquoi pas ?
C’est en méditant cet aspect des choses que l’Union européenne paraît avoir décidé de réagir. Le fait de récolter ainsi vos données personnelles sans votre consentement explicite a quelque chose de fort peu satisfaisant, il ouvre la porte à l’espionnage de votre vie privée, voire au piratage de votre volonté. Ainsi Facebook s’est-il trouvé dans le collimateur de l’autorité politique suprême des Européens, qui a décidé deux règlements : le Digital Market Act, et le Digital Services Act, deux règlements portant sur le marché du digital, le marché du numérique. Mais le respect de votre vie privée est-il le seul motif de cette législation sur les Gafam ? En réalité, il s’agit seulement de limiter l’utilisation des plateformes qui, comme Facebook, ont pu parvenir à une situation de monopole en proposant la gratuité de leur utilisation, une gratuité considérée comme une concurrence déloyale.
Finis la gratuité sur Facebook
Facebook ne devra donc plus être gratuit, ou bien, s’il veut respecter l’engagement solennel pris par son fondateur, il le sera contre publicité, donc l’utilisateur, au lieu d’être le produit, devra supporter une publicité envahissante en paiement de son utilisation.
Mais remarquons que, sur le fond, rien ne change, car ces publicités répandues sur votre écran obéiront à la même logique d’exploration en amont de votre vie privée et d’exploitation en aval de l’expression de vos intérêts divers.
En somme, vous continuez d’être vendu comme un produit, mais le marché des utilisateurs est mieux exposé à la concurrence. Reste seulement à espérer que l’utilisateur pourra bénéficier d’une tension favorable entre les entreprises sur les prix. Le prochain écueil à éviter sera les délits d’ententes illicites qui
pourraient se nouer entre les acteurs du marché.
Sources :
–Facebook et Instagram deviennent payants : on vous dit tout
–Numérique : que sont le DMA et le DSA, les règlements européens qui visent à réguler internet ?
Pour écouter d’autres podcasts, rendez-vous sur l’ISEAM.